Passion galactique

Passion galactique ( adaptation de « La ruse » en conte pour enfant).

Aux confins de Cassiopée, sur une toile bleue parsemée de points jaunes comme une symphonie de couleurs allant du bleu pastel à la profondeur d’une mer céleste. Pégase, cheval blanc ailé, galope.

Il vole, libre, heureux, avec la bénédiction du soleil, il a épousé sa belle étoile vagabonde qui a su accrocher son cœur vaillant. Il y a deux années déjà. Elle se nomme Electra. Elle est jaune, les pointes en angle si étroit que l’éclat de son rayonnement va au-delà de la galaxie. Elle ravit ses pensées chaque jour. C’est une merveilleuse compagne.  Pégase parcourt la galaxie, d’un coup de sabot du nord au sud, il déclenche des éclairs lorsque la planète bleue s’assèche.  Electra a une amie d’enfance qui se nomme Astéria. Pégase l’aime beaucoup également.

Astéria est moins lumineuse, mais elle sait faire battre son cœur lorsqu’il la croise. Elle habite dans le creux de Titan. C’est une contrée rouge parsemée de stries noires. Les étoiles y sont moins nombreuses, mais l’ocre du tapis irradie d’une lumière si particulière que l’endroit est chaleureux.

Pégase n’a pas conscience de son infidélité. Il aime les deux corps célestes.  Il n’ignore pas la jalousie d’Electra alors c’est en toute discrétion qu’il rejoint Astéria.  Astéria sait qu’il est marié. Elle aussi profite simplement du sentiment qui les réunit.

La lune effacée, le soleil de son rayon de lumière permet aux deux amants de se jouer d’Electra. La clarté de l’astre dissipe le moindre contour de ses quatre branches cardinales. Pégase grâce à son pelage blanc pur, devient lui aussi invisible. Astéria attire Pégase dès qu’il passe dans sa nébuleuse.

La lune a compris depuis longtemps le manège de Pégase. Ils leurs arrivent même de se cacher derrière sa face sombre pour en secret se retrouver. Elle ferme les yeux. Elle se doit d’éviter que deux étoiles se fâchent et ne finissent dans un duel de fusion qui risquerait de créer un trou noir dommageable pour l’ensemble de la Voie lactée. Lorsque Pégase au galop rentre dans son cocon, Electra se pose dans son encolure et toute la nuit lui conte son attachement.

Depuis quelques jours, Pégase invite Astéria dans sa maison. Il sait qu’Electra doit se rendre au chevet de sa grand-étoile souffrante.  Ainsi, pendant deux mois au lever du soleil, ils se donnent un rendez-vous informel entre les deux contrées. Astéria s’accroche à sa longue crinière bien cachée jusqu’à sa demeure. Un plaisir charnel les foudroies à chacune de leurs retrouvailles.

Pourtant, ce soir, les choses sont plus compliquées. Astéria est malade, faible. Sa luminosité s’épuise jusqu’à disparaître. Pégase panique. Sa femme Electra va rentrer bientôt. « Que faire ? » Il ne peut la conduire à l’extérieur ainsi.  La lune est levée, toutes les étoiles brillent. S’il sort avec une étoile éteinte, il sera repéré.

Affolé, il galope jusqu’à l’astre au front d’argent, lui demander de l’aide.

— Lune !

— Pégase, qu’est-ce qu’il se passe ? Tu es tout essoufflé !

— Lune! j’ai un problème, énorme, gros comme l’espace, je crois que (…)

— Du calme, je ne comprends rien!

— C’est Astéria, elle est (…) morte !

— Comment ça !

— Lune, elle s’est éteinte alors que nous étions enlacés. Mais je n’en suis pas sûr! Elle a juste perdu sa couleur jaune pâle jusqu’à devenir noire et terne.

— Pourquoi ne la reconduis-tu pas dans sa galaxie ?

— Je ne peux pas! Une tache sombre sur mon pelage blanc en pleine nuit, toutes les étoiles que je serais amené à croiser comprendraient la traîtrise envers mon épouse. Je ne veux pas être banni ! Lune, aide-moi ! Je sais que tu gardes le secret depuis longtemps. Je te conjure de me tirer de cet embarras. Electra doit bientôt rentrer.

— Comment ? Pégase, je ne peux bouger !

— Je ne sais pas ! un tour de passe-passe. Avec ton vent, tu pourrais ralentir le retour de ma femme, non ?

— Tu te rends compte de ce que tu me demandes !

— Oui, mais je ne veux pas qu’Electra se fâche. Les conséquences seraient désastreuses. Et je l’aime ! Je n’ai jamais pu me résoudre à aimer une seule étoile. Elles sont si belles !

— Pégase, le vent sélénien est une bonne idée. Tu vas rentrer à Cassiopée, attacher Astéria à ta crinière et dès le premier rayon solaire, tu reviens ici ! Compris ?

— Oui, j’y vais !

Le soleil l’aide malgré lui en érodant sa surface suite à une éruption solaire. Un tourbillon de poussière lunaire danse maintenant autour de son globe. Ses ondes gravitationnelles expulsent la moindre étoile qui se trouve à proximité. Elle doit maintenir ce vent pendant quelques minutes encore avant que le soleil ne se révèle au-dessus de la planète bleue. Electra vient sur sa droite. Un point blanc s’approche sur sa gauche.

— Mince! Ils vont se rencontrer !

La lune gonfle et accélère son anneau de poussière, empêchant quiconque de l’approcher. Alors qu’ une lame de luminosité irradiante efface enfin une partie de sa rondeur. L’astre du jour apparaît. Pégase arrive à bout de souffle. Énergiquement, il secoue sa crinière face à la lune. Une forme noire tombe et reste en suspend devant ses sabots.

Electra tout heureuse de voir Pégase la rejoindre, presse son chemin vers lui.

— Pégase, tu m’as rejoins, comme tu es adorable ! Je t’ai manqué ?

La lune devant Pégase qui reste muet explique :

— Electra ! Cette nuit, un vent lunaire inverse à souffler à cause des grandes marées de la terre. Une étoile a été emportée dans un tourbillon galactique incompréhensible. Rentrez chez vous ! J’attends le soleil pour la réchauffer, car elle est sévèrement refroidie.

— Oh ! C’est bien triste. Lune, nous te laissons à tes soins. Pégase ta crinière je te prie !

Elle s’accroche à ses crins. Au galop lent, Pégase et Electra longent les astres en direction de Cassiopée.

À mi-chemin, Pégase ne peut s’empêcher de regarder en arrière.

Il voit les contours de la lune s’estomper devant l’astre solaire grandissant, alors que ses particules en gravitation chutent. Juste en dessous de son horizon, une étoile noire est happée par le magnétisme solaire.

Astéria s’est éteinte. Elle est désormais poussière sur la surface du soleil.