
Le prélude du chat
Il était une fois, un chat tigré de poils en sommes soyeux et volumineux, qui se prélassait au soleil de novembre. Lasse fût sa sieste lorsque dehors, les mésanges le narguant, piaillant de tout leur bec, chipotant la miette laissée au vent frais de cette journée particulière, l’agaçait ostensiblement .
Il ouvrit un œil, puis le second pour se satisfaire de la rétractation de la pupille. Dans une posture d’intérêt, les oiseaux sautillant sous sa truffe qui ne sentait rien à part la chaleur de l’astre de jour sur la baie vitrée; il se dit « je dois trouver le moyen de passer cette vitre pour aller conter fleurette et canines à ces volatiles impétueux ! »
Il reposa sa tête lasse et se coucha de tout son long, sur une table de trois pieds. Il éluda son naturel, prétextant que le relâchement était aussi une bonne affaire de félidé.
Sur la console, une histoire de buvard et de papelard gribouillés attendaient l’approbation du maître des lieux. Le stylo en quai de gare, laissait sa bille sécher dans l’ampleur de chaleur de bois et de loi.
Entendez que la règle, n’est qu’extérieure à tout mouvement volontaire. La nature en est la gardienne.
Intéressé par l’apparition d’un rouge-gorge, frêle et nerveux, sur le bord de la terrasse, qui sautillait de miette en miette si fine que l’œil humain ne saurait remarquer sans se baisser. Le minou tigré de traits et de points noirs emballés d’une couverte grise et brune se lassa de voir sans pouvoir. Dédaigneux devant l’agitation de ses yeux, il se retourna irradier les poils de son dos.
Lorsque soudain, l’impétueux, volatile picora le débris de pain sur le rebord de fenêtre en aluminium : « toc, toc, toc ! »
Le chat cessa son languissement. Il cogita, il observa, il décida.
Un stylo de sombre couleur posé sur une feuille l’interpella : « Quel est ton plan ?”
Les oreilles bien hautes, il ouït en direction du stylographe : “Mon plan ?”
– Oui, pour attraper le zozio qui danse si joyeusement devant toi, qu’il te prouve sans le dire que ta condition de pacha, pas chat est une énormité de naissance inconcevable pour tout chasseur naturel !
– Ah oui, ma condition. Elle est lasse, mais agréable. La gorge-rouge, je pourrai lui voler dans les plumes, mais je serai condamné à l’oubli si…
– voler dans les plumes ? C’est moi, la plume !
– Mais tu ne voles pas et tu ne manges pas de pain !
– Mais chat chauffé, regarde-moi ! je sèche autant que toi, oublié sur cette table ensoleillée. Il me faudrait tourner ma bille de pointe pour trouver une humidité, sous peine de me crisper sur mes traits !
– Que veux-tu que je fasse ?
– Redresse-toi, prend-moi, lève-moi et pointe-moi sur la feuille. Peut-être que tu pourrais écrire ton vœu ?
– Mon vœu, c’est de tourner mon popotin, de m’aplatir plus bas que terre, tel un félin, sauter aussi haut que le menton rouge s’envole, et le..
– Je vois! mais, serais-tu encore assez habile pour ?
– Bien sûr que oui ! et toi? peux-tu t’envoler? Non ! tu roules sur un page blanche et tu te couches. Si personne ne te tient, comment pourrais-tu faire un trait de choix? Par ailleurs ton embonpoint est bien centré en forme de pomme ou de tonneau de vin. D’entraînement, tu n’as pas sans secours, et là tu veux que je t’entraîne! Je me trompe ?
– Oui, non! je te propose d’écrire ton vœu, dans le croquant d’une aile, il se réalisera ! Dans sa pensée, le chat sortit les griffes, fit rouler le bâton noir pour le tenir debout.
Une concentration plus tard, les griffes en cylindre de diamètre collant le linéaire plastique agençait la future ligne de bille dans un trait de mot.
Le chat écrivit :” Depuis le lever du jour, mésange verte et bleue, souris et campagnols, puis maintenant, le rouge-gorge viennent danser leur liberté sous mon nez. Je suis enfermé, mais je rêve de déplumer un ou l’autre. De croquer la nature de l’être qui vit de l’autre côté. Alors toi le stylo, je te prends et je compose.
Voici mon vœu : Le prélude du chat est de prendre la plume pour obtenir la plume qui vit!
Bing ! le stylo tomba dans les pommes. Il avait oublié que le vœu était fait de plume volatile, et qu’il était la plume de l’envie de plume du chat.
Vous suivez ?
Le chat épuisé de tant de concentration dédaigna relire son écrit. Il n’avait pas besoin.
Depuis toujours, ce vœu est écrit dans ses gènes. Mais ça, la plume l’ignorait!
Moralité: l’identique a sa raison. Il ne faut pas l’en détourner, sous peine de se faire voler dans les plumes !
Chat érudit