Il était une fois, dans la galaxie, un jeune cheval ailé nommé Pégase. Il parcourait la Voie lactée à la recherche d’une compagne éternelle. Il espérait qu’elle parviendrait à illuminer son chemin en chaleur naturelle. Malheureusement, Pégase n’y était encore jamais parvenu. Sa jeunesse ne lui permettait pas d’effacer cette incapacité. Attendant d’être plus fort, Pégase se contentait d’attraper de la poussière d’étoiles. Les étoiles filantes cheminaient bien plus vite que son galop. Un jour, après avoir tant espéré sans y parvenir, il s’arrêta devant la Lune. La Lune était lasse de le voir chaque jour arpenter la galaxie, jusqu’à l’épuisement. Intriguée par sa recherche qu’elle ne saisissait pas, elle lui dit :
– Que fais-tu avec cette musette, Pégase ?
– Chère Lune, j’attrape de la poussière d’étoiles. Les étoiles sont tellement rapides que je ne parviens pas à en retenir une seule. J’aimerais parvenir à en capturer une. Je serai le plus heureux, des heureux !
–Crois-tu que ton bonheur serait total ? En es-tu convaincu, Pégase ? Tu serais heureux avec une seule étoile, soit ! qu’en feras-tu réellement ?
– Je le crois, c’est mon vœu le plus cher. Une seule me comblerait de bonheur. Je l’emmènerai dans ma petite sacoche pour les jours où ma solitude dans cette galaxie immense me pèse trop. Je pourrais me rassurer dans son éclat. Je suis persuadé qu’elle saura me réconforter. Lune, en y pensant, toi qui es posée au même endroit depuis la nuit des temps. De ton observation impassible, connaîtrais-tu l’endroit pour capturer une étoile sans trop de peine ?
– Mon jeune Pégase, tu ne doutes de rien. Admettons, explique-moi ce que tu feras de l’étoile les jours où tu n’auras pas ce sentiment de solitude si pesant ce jour.
– Oh, j’en prendrai soin chaque jour. Je la protégerais comme un trésor. À coup de sabots, si nécessaire. Pour ne pas me la faire voler durant mes escapades, je la garderai précieusement dans mon bagage.
–Pégase, tu seras heureux, soit ! Avec objectivité, as-tu conscience de ce que pourrait ressentir ton étoile ainsi enfermée ? Comment pourrait-elle être heureuse dans la noirceur de ta besace ? Es-tu sérieux à cet instant ? À deux, certes tu seras moins seul. N’ignore jamais que la lassitude de l’enfermement pourrait faire fuir ton étoile.
– Lune, avec toute ma douceur, avec la chaleur de mon cœur, j’en prendrais soin. Même en parcourant la galaxie, chaque seconde, j’aurai une attention pour elle. Je cherche une âme, une amie, une compagne de chevauchée féerique. Un double, quelqu’un qui m’accompagne. Je me sens parfois si las d’errer en solitaire dans cette immensité. Malgré mon jeune âge, cette solitude me rend si transparent parfois que je me sens inexistant. Cela n’a pas de sens. Comment grandir, partager si je suis seul à galoper ? Non, vraiment, je ne comprends pas le sens de mon chemin. De ma vie. J’en désespère lorsqu’à bout de souffle, je m’interroge sur ces kilomètres parcourus.pour rien.
– Que de questionnement, Pégase ? Tes pensées sont aussi profondes qu’un trou noir. Mais, je te comprends et devant tant d’arguments, je consens à t’indiquer où tu peux capturer l’étoile de ton vœu sans trop d’acharnement. Pégase, avant, j’ai besoin de ta promesse éternelle. Tu auras l’obligation d’en prendre soin comme si ta vie en dépendait. Promets-le-moi !
– Oh ! Lune, je te le promets sur ma vie. J’en prendrai le plus grand soin, elle sera ma propre vie. Promis !
– Bien, voici mes instructions. Va vers Saturne. Aux confins de cette galaxie, tu trouveras Titan. À sa droite, une étoile se trouve. Elle est aisément atteignable. N’oublie jamais qu’une fois décrochée, tu en seras responsable jusqu’au bout. Si tu ne fais pas attention, gare à toi. Je serai non seulement déçue, mais également très fâchée.
Les yeux de Pégase brillaient d’émotions. Ses sabots agités trépignaient d’impatience. Il connaissait le chemin le plus court pour atteindre la galaxie de Titan. Il essayait de contenir son impatience. La Lune lui fit une dernière recommandation, elle lui dit :
– Avant de partir, Pégase, je veux que tu rendes la liberté à la poussière d’étoiles filantes. C’est important. La planète bleue en a besoin toutes les nuits pour ses habitants. Pour eux, c’est un vœu à choisir dans la nuit sans sommeil. Pour les enfants, c’est une traîne qui aide à l’endormissement. Quelque fois à la création inconsciente de rêves magiques.
Dans un hennissement joyeux qui rebondit sur chaque planète, Pégase remercia la Lune. Pendant plusieurs années, la Lune ne vit plus Pégase. Elle se doutait qu’il y était parvenu. Ces courses folles lui manquaient un peu. La Lune espérait en son centre que Pégase fut ainsi comblé. Elle qui avait fait de sa solitude, en humilité, une patience infinie.
Des années-lumière plus tard au déclin lunaire. Une ombre galopante et haletante interpellait avec force l’astre nocturne. C’était Pégase, désormais adulte, qui essayait de rattraper la Lune avant que le Soleil ne l’efface. Il cria :
– Lune, mon étoile est souffrante.. Je suis inquiet, depuis peu elle perd sa luminosité. Je ne sais que faire pour la soigner. Peux-tu m’aider ? Je t’ai promis d’en prendre soin comme s’il s’agissait de ma propre vie. Lune tout au long de mon chemin, je l’ai choyée. Elle m’a réconforté dans mes moments de doute, elle m’a rassuré lorsque j’avais peur. Elle a rempli ma vie lorsque je me sentais seul. Elle me distillait une couleur vivifiante lorsque j’étais triste. Depuis quelques jours, j’ai le sentiment qu’elle s’éteint. Elle perd beaucoup de luminosité. Elle est si faible qu’elle peut à peine s’accrocher à mes crins. Lune, ne me dis pas qu’il n’y a rien à faire. Je ne peux l’entendre !
– C’est le cycle de la vie Pégase. Ton étoile est à la fin de sa vie, c’est ainsi. Il n’y a rien à faire. Pégase, tu peux simplement l’accompagner, en prendre soin, jusqu’à son dernier souffle. Malheureusement, rien ne changera sa destinée. Elle a terminé son cycle de vie. Pour chaque être dans l’univers, il en est de même. Il faut simplement l’accepter, Pégase !
– Je refuse de laisser faire, Lune. Ma raison de vivre, c’est mon étoile. Le sens de ma vie, c’est de prendre soin d’elle !
–Pégase, écoute-moi ! tu as décroché une étoile qui a atténué ta solitude mais rien n’est éternel ou figé. Tout est commencement, fin, recommencement. C’est immuable. Pégase, crois-moi, cette étoile n’est pas ta raison de vivre. Ta vie ne peut pas dépendre d’une autre vie. C’est impossible, tout est fin un jour pour tous. Aucune vie ne devient éternelle par désir. Le sens de ton chemin n’est qu’imprégnation de ton être sur les éléments. Au fond de toi, tu es naturellement l’empreinte que tu souhaites donner à ta vie. Même seul, tu l’écris, chaque jour, dans la Galaxie. Pégase c’est la vie. Ta vie ne dépend que de toi et de ta volonté, ton caractère. De tout ce qui fait que tu es, à cet instant !
– Lune, sans mon étoile, je ne suis plus rien ! Je suis triste, je ne veux pas être à nouveau seul. Je ne peux l’accepter aussi simplement. Tu me dis que c’est immuable. Est-il possible de faire quelque chose pour mon étoile, pour qu’elle aille mieux ?
– Non, Pégase, j’en suis désolée. Si tu acceptes de continuer ton chemin comme le vent te pousse, ton sentiment de solitude s’estompera. Ta tristesse se transformera en petits bonheurs, si tu sais ouvrir ton regard sur l’immensité et la beauté de cette galaxie. As-tu déjà observé la fin de vie d’autres étoiles ? Elles dansent pour mourir en joie. C’est cela la vie. La naissance d’une danse inspirante puis une danse éclatante, puissante avant de disparaître. Pégase ! Je m’éclipse, le Soleil est levé. Concentre-toi sur la beauté qui t’entoure chaque jour. Ta peine ne durera qu’un temps. Ton souffle de vie reprendra grâce aux merveilles de cet univers. Pégase ait confiance en toi !
Des cristaux humides roulaient sur le bord de ses yeux. Son cœur pulsait une tristesse profonde. Dans son écrin, l’étoile inexorablement s’éteignait. Le regard de Pégase se projeta dans la profondeur de la galaxie. Dans un soupir de gratitude, il décida de rendre le corps de son étoile à l’univers. Ainsi, pensait-il, elle s’éteindrait dans une danse infinie. Sa vie devait revenir à son origine. Avec humilité, il la laissa partir lorsqu’une dernière traîne lumineuse éclaira la galaxie. Pégase attrapa un petit peu de poussière qu’il mit dans son sac avec douceur. Au moins, elle serait encore un peu avec lui, pensa-t-il. Pégase avait un long chemin d’acceptation avant de comprendre le sens de sa vie sans son étoile.