Passeur d’âmes


Au cœur de la nuit, des êtres rôdent sans but.

Las dans leur attitude, le regard orienté vers le sol. Ils errent en transparence.

« La réalité est au-delà de la porte ! » leur expliqua le guide.

« Encore un pas. La clarté est ouverture d’esprit ! Le second servira à entendre ce long chemin sans lien !

Un dernier pour percevoir que nul ne voit en vous ! De vos guêtres vous ferez une mouvance réelle !

Ne criez pas si une douleur vient. Elle a toujours été là. Le sens de votre chair a été un temps annihilé !

Un effort encore. Une vue entière, intérieure sur ce que vous êtes agrandira votre pupille vers votre horizon propre.

Courage ! L’être de vent s’est tu dans l’immensité du mont bleu. Il s’est endormi pour vous laisser une chance de retourner à ce que vous étiez ! »

Le guide les observe cheminer en cadence et lenteur. La tête si basse qu’un mur les empêcherait.

Ces guêtres sans contours francs ne sont que recherche enfouie. Lorsque un franchit le seuil de son errance, il crie.

Ces consorts restent sourds à toute corporalité, douleur, couleur, et sensation.

Le deuxième passe, un cri plus rauque emplit l’espace. La douceur est rude à cet instant.

Le guide passe la tête dans le cercle intemporel.Il constate déjà la transformation de ces âmes sans germe de vie, sans pensées vivantes.

De l’autre côté, elles trouvent avec étonnement des rebords charnels à leur grandeur. Ces corps charnels stupéfaits se regardent.

Le dernier a franchi la porte éphémère. Ils voudraient se serrer dans les bras tellement leur conscience est heureuse d’avoir repris corps.

La pudeur les en empêche. Durant des millénaires, ils n’ont fait que se frôler sans jamais comprendre.

La vue agrandie sur le chemin passé, ils fulminent d’avoir été enfermés si vilement dans ce voile intemporel. Empêchant le moindre regard vers l’autre, tous ces autres.

Le guide les rejoint. Il dicte une formule dans une langue inconnue qui referme l’espace du temps pour toujours.

Il leur dit en simplicité :

« Voyez l’être de chair que vous êtes désormais. Faites-en un usage qui accepte la douleur sans haine. Un esprit contrarié ne sera que possibilité infinie de défaire l’instant de crispation !

De votre contour, irradiez l’énergie de votre présence, sans brûler ce qui est autour de vous !

Ouvrez vos mains en obole pour semer la nourriture de demain !

De votre intelligence, faites grandir l’être plus petit que vous. Ne gardez aucun savoir dans vos prisons cérébrales !

Sur le chemin, semez la frêle semence d’humanité pour construire un monde plus stable !

Laissez votre langue dans votre bouche si le propos est non construit !

Écoutez l’immensité silencieuse qui vous entoure, vous saurez soulager celui qui parle !

Ne vous lassez jamais de ce corps dans sa douleur, elle n’est qu’apprentissage !

Aimez sans rien demander, la moindre particule est votre vie même !

N’oubliez jamais que si vous êtes revenu, c’est que vous étiez déjà ici. Que votre enseignement n’est pas achevé !

Il n’y a pas de destination, il n’y a qu’un chemin. »

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