Une araignée cachée dans un coin vit une tournoyante toupie bariolée. Elle s’approcha de l’objet alors que sa myriade d’yeux fit tanguer son cerveau. Un mal au cœur vint lui rappeler qu’à trop regarder des milliers de points, ils ne deviennent qu’un. L’araignée sortit un œil qu’elle frotta d’une patte, mais le contour du mouvement était inscrit pour un moment sur le fond de sa cornée. Son second œil quitta par prudence cette toupie. Les autres orientés vers le mur lui susurraient la raison d’une direction logique. « C’est à droite, donc je vais à gauche ». Un pas, l’affolement désordonné de ses pattes, elle s’écrasa contre le mur. Son cerveau avait inscrit le mouvement de la toupie dans un ballet fou. De raison, elle se concentra à fixer le plafond. L’effet recherché fut vain. Dans une acrobatie involontaire, elle pivota maladroitement sur le dos. La voilà les six pattes en l’air qui battaient l’air tassé au sol par sa pelote de soie à découdre. Elle s’échina à se sortir de ce tracas, car la toupie en ralentissant venait inexorablement vers son corps afin d’user ses poils. Au fil de sa lutte, l’angoisse montait tout comme l’effroi. L’araignée s’agita encore et encore.
Un chat s’approcha de manière intéressée et donna un coup de patte dans la toupie qui s’éloigna de l’araignée. Elle le remercia intérieurement. Ce secours était improbable. Mais chat malin intrigué par une agitation de six pattes saisie qu’une autre distraction vivait. Il vint mirer ce qui s’agitait. Les vibrisses, en avant, il humait l’araignée qui n’osait plus bouger d’un poil. Le chat dans sa mémoire se rappela ce cauchemar où une bête comme celle-ci restait sur son nez pour l’embêter. Certain que le positionnement n’avait que d’attrait par ladite bestiole de le faire loucher jusqu’à le rendre niais. Ce jour là, au réveil, il dut tester l’agilité de son point de vue de chasseur afin de se rassurer que l’effet n’était qu’éphémère. Il refusait d’abandonner sa félinité naturelle allant de pair avec l’amertume de l’appétence déçue. Il ne se souvint pas de la suite de cette chasse, mais cette boule noiraude qui luttait pour se remettre dans un sens de cohérence, lui rappelait qu’elle pouvait aisément se croquer ou être chahutée dans un quart d’heure de distraction génétique.
Ses griffes bien rangées, le chat donna un coup de patte habile. L’araignée roula dans un coin. Après ses tonneaux terrestres involontaires, elle se mit en protection naturelle jusqu’à feindre l’inertie tentant de signaler au prédateur sa fin. Patiemment, elle attendit la lassitude du jeu. Enfin, elle ouvrit un œil et scruta le cheminement du chat alors qu’il s’approchait avec prudence de sa tête. Elle observait la dilatation de ses pupilles lorsqu’elle fut prise d’une peur irrationnelle. Un monstre noir était prêt à sortir du reflet vitreux du chat. Terrifiée, elle se releva d’un bond, fît un bout de chemin jusqu’à que le chat à nouveau l’envoya rouler dans un autre coin de la pièce. Encore une fois, elle feignit la mort, car des chemins d’accrocs et d’anicroches l’attendaient pour l’hiver. Les murs devaient être un chemin sans peine pour atteindre le moustique épris de la douceur de sa toile. La pitance volatile devait finir en paquet duveteux pour les jours sombres. Tel un cadeau desséché, mais préservé de l’essentiel de ses besoins pour l’hiver. Elle avait encore tant à faire pour survivre cet hiver.
Petit chat joyeux de la réactivité du jouet velue, l’enferma entre ses coussinets. L’araignée étouffait coincée entre quatre excroissances trop chaleureuses. Gesticulant pour se libérer, elle chatouilla les ergots du chat qui titillé par une sensation déroutante lécha la zone dérangée ainsi que l’araignée. Elle se retrouva sur la langue rose et crochue, encore sur le dos. Elle pensa que son heure était au point zéro alors que le chat de relent de goût fît une grimace perplexe d’autant de matière poilue et sèche qui n’était aucunement sienne. Il l’expulsa de sa gueule dans un mouvement de tête frénétique et l’envoya sous un meuble.
L’araignée pensait être sauvée alors elle s’activa pour le fuir afin de retrouver ses terres suspendues. Le chat couché de tout son long étira sa patte jusqu’aux confins du fond et rattrapa l’araignée. À bout de patience, elle pensa : » cela suffit ! ». Elle décida de tenter l’impossible : » le mordre ! »
Cherchant le meilleur endroit, elle prépara son trident masticatoire et planta ses dents dans le pelage fourni d’un début de saison froide du chat. Il ne remarqua même pas la tentative. Encore une fois, prisonnière de sa patte, l’araignée percevait que de lutte ou d’inertie rien n’y faisait. Le chat avait envie de son quart d’heure d’animation. Alors, elle se contint pour ne plus vriller d’un poil. La chance était possible, elle le savait !
L’araignée se vit à nouveau dans le reflet de la pupille du chat. D’effroi, elle essaya à nouveau de fuir. Dans ce reflet, il y avait un monstre noir et poilu malintentionné qui en avait après elle. Le film d’épouvante était bien réel. À cet instant, le chat d’une dernière chatouille d’agitation secoua vigoureusement sa patte. L’araignée s’envola dans les airs. Elle atterrit sur le rebord de la vasque de la salle de bain. Dans une position cohérente à sa déambulation, elle pensa : » je suis sauvée ! »
Elle se retourna vers le miroir alors qu’une bête énorme avec des milliers d’yeux la fixait. Cette image projetait une intention indescriptible pour son cerveau. Sa journée était pire qu’un cauchemar. Fuyant son reflet, elle lança une corde de rappel pour fuir cette créature immonde. Petit chat avait suivi le vol plané de l’araignée. Ainsi posté devant le meuble de la salle de bain, il observait. Il vit l’araignée tirer un fil de survie vers le sol. La chose velue aux six pattes longeait ce fil avec rapidité. L’instant d’après, l’araignée se retrouva pile-poil sur le sommet de la truffe du chat. Le chat décida d’aider l’araignée à ne plus avoir peur de son reflet. Avec dextérité, d’un mouvement de tête, il renvoya l’araignée sur son fil, et à la descente mouvementée ouvrit la gueule pour la croquer. À l’instant rosée de la gueule du chat, l’araignée naturellement éteignit le souvenir de son reflet en fermant sa myriade d’yeux.